« J’ai juste pu appeler mon conjoint et j’ai crié avant de m’évanouir », raconte-t-elle. Les secours arrivent et sa fille, Délya, est confiée à une voisine. L’enfant de deux ans est en pleurs et répète: « Maman, bobo à la tête... Maman, bobo à la tête. » Cindy a 27 ans. Très dynamique, la jeune femme souffre pourtant de crises d’asthme, de difficultés à respirer et de raidissements de son côté gauche depuis ses 17 ans.
« J’ai été emmenée à l’hôpital de Riaz ou de Fribourg, puis j’ai été héliportée aux HUG de Genève », raconte Cindy. Elle est victime d’une hémorragie cérébrale massive due à une malformation artérioveineuse (MAV) en train de se rompre. Après une opération de 9 heures, la jeune femme est mise dans un coma artificiel durant une semaine pour préserver ses organes. A son réveil, Cindy ne peut ni parler, ni bouger et peine à comprendre ce qui lui arrive. Elle est transférée des HUG à l’hôpital de Fribourg. Après son retour à la maison et un an après son AVC, Cindy subit une seconde hémorragie cérébrale lors de l’opération prévue pour enlever la MAV. Elle se fait ré-hospitaliser six mois avant de rentrer chez elle.
« C’est difficile de comprendre et de ressentir les émotions »
Depuis son AVC, Cindy a de l’héminégligence du côté gauche. Elle n’est plus consciente de la partie gauche de son corps. Elle ne peut pas utiliser son bras gauche et son bras droit simultanément. Elle n’entend plus des deux oreilles simultanément. Elle souffre d’hémianopsie: elle ne voit plus le côté gauche, mangeant la moitié de son assiette, pensant avoir mangé le tout. Elle a récupéré de l’hémiplégie du côté gauche de son corps, sauf la motricité de la main. Elle n’appréhende plus les distances et la vitesse. Elle souffre de séquelles au niveau de l’orientation spatiale, de la mémoire visuelle, de la planification et de l’organisation. Elle souffre d’alexytimie: Elle ne ressent plus les émotions positives, à moins d’une forte intensité. Elle a l’impression d’être un robot et d’être en dépression depuis 9 ans. « C’est le pire », constate-t-elle. Elle ne ressent ni la faim, ni la soif. Au repas, elle doit se concentrer pour se tenir assise, faire le mouvement entre l’assiette et la bouche, mâcher correctement et avaler. La jeune femme mémorise par la répétition et a besoin d’une routine permanente. S’habiller lui demande un grand effort de concentration. Elle souffre de fatigabilité. Auparavant très physionomiste, Cindy ne reconnait plus les visages, dont celui de sa fille qui grandit vite et change beaucoup.
Une famille soudée, une fille de caractère et un livre
Lors de l’hospitalisation et au retour à la maison, ses proches sont très soudés autour de Cindy. Par de multiples défis, ils ont motivé Cindy à se dépasser. Ses proches peinent pourtant à comprendre sa fatigabilité et une distance s’est installée avec le temps. « Pour eux, je suis à moitié aveugle et fatiguée et j’ai ma main qui ne marche pas bien, c’est tout. Ils ne voient pas les séquelles invisibles », confie-t-elle. Le père de Délya l’a beaucoup soutenue après son AVC et la relation de Cindy avec Délya est forte. De retour à la maison après l’hospitalisation, Cindy apprend à sa fille à être autonome, ne pouvant plus la doucher ou l’habiller. Aujourd’hui âgée de 12 ans, Délya est très mûre et a beaucoup de caractère. Sa fille lui dit souvent vouloir « une mère normale ». « C’est dur à entendre », partage Cindy.
Suite à son AVC, Cindy commence à écrire son vécu sur les conseils de sa psychologue et pour améliorer son sommeil. Celui-ci ne s’améliore pas, mais l’envie de témoigner de la jeune femme reste intact: « Si j’arrive à aider au moins une personne, c’est bien. Aussi pour faire comprendre à ma famille ». Son livre « Renaissance » est édité en juin 2022, par les éditions Saint-Augustins. Cindy écrit aussi pour Délya: « J’aimerais que ma fille lise mon livre et puisse mieux comprendre combien vivre est difficile pour moi. Je me suis battue et me suis accrochée grâce à Délya. Je ne veux pas la perdre. J’ai de la peine à ressentir que je l’aime, mais elle me manque quand elle n’est pas là et je l’aime. Si je suis là, c’est grâce à elle », partage Cindy avec force.
FRAGILE Vaud aide à renforcer ses liens avec sa fille
Cindy entend parler de FRAGILE Vaud à l’hôpital. Elle participe ponctuellement au groupe de parole pour les personnes concernées, mais celui-ci se déroule trop loin de son domicile. En revanche, elle participe aux activités organisées par FRAGILE Vaud avec Délya. « En septembre, on va aller au cirque Knie. J’aurais jamais pu y aller avec ma fille sans FRAGILE », sourit-elle, lumineuse. Cindy se rappelle de la sortie dans une charrette à fondue à Gruyères: « Ma fille pouvait caresser les chevaux. Grâce à Fragile Vaud, j’étais la maman parfaite. »
Texte : Sophie Roulin-Correvon