« Depuis que j’ai réappris à parler, on ne m’arrête plus »

En 2012, Fabio Dias subit un traumatisme cranio-cérébral sévère. Il apprend à vivre avec ses séquelles et à composer avec les gens ne comprenant pas ce qu’il traverse.

En 2012, Fabio Dias subit un traumatisme cranio-cérébral sévère. Il apprend à vivre avec ses séquelles et à composer avec les gens ne comprenant pas ce qu’il traverse.

Portrait de Fabio, il regarde à sa gauche

Photographe : Francesca Palazzi

Le 20 août 2012, Fabio Dias est victime d’un traumatisme cranio-cérébral sévère suite à un accident de la circulation. Après avoir raccompagné une amie à son domicile, il prend l’autoroute pour rentrer chez lui. Mais un conducteur en état d’ébriété percute sa voiture. Fabio confie : « J’étais si fier de cette voiture et elle a fini à la casse. J’étais malheureusement au mauvais endroit, au mauvais moment. » Immédiatement transféré au CHUV, il est placé dans un coma artificiel. À son réveil, il n’a aucun souvenir des cinq mois précédant l’accident. Il ouvre les yeux, mais n’est pas encore conscient, puis commence à bouger son côté gauche et à reconnaître les personnes. En octobre de la même année, il est héliporté au REHAB Basel.

Il réapprend à parler et à manger. Ses repas sont d’abord mixés pour qu’il puisse avaler les aliments. Quand son ergothérapeute lui demande ce qu’il souhaite manger, il répond rêver de manger au McDonald’s. « C’était le meilleur repas de ma vie », sourit le trentenaire. Il rentrera à la maison en septembre 2013, soit plus d’un an après l’accident. À seulement 24 ans, sa vie entière est bouleversée.
 

Une nouvelle vie

À l’époque, Fabio travaille comme employé de commerce dans une agence d’assurances sociales. Il apprécie le fait d’être dans une petite équipe et de travailler avec un ami rencontré pendant son apprentissage. Mais son accident bouleverse son quotidien. Il souffre d’importants problèmes de mémoire. Lors de son séjour au REHAB Basel, il pense reconnaître les personnes qu’il croise, alors qu’il ne les a jamais rencontrées. Il a aussi des difficultés à mémoriser les rendez-vous. Il note donc tout avec attention dans l’agenda de son téléphone, pour ne rien oublier. Une neuropsychologue lui conseille aussi de faire des photos, pour se souvenir de ce qu’il fait pendant le week-end. À ce jour, il a gardé cette habitude et documente sa vie sur les réseaux sociaux.

Fabio souffre également d’une hémiplégie du côté droit de son corps. Il se déplace avec difficulté sans son fauteuil roulant électrique. Il s’adapte à son environnement et utilise de temps en temps un bâton de marche sur de courtes distances. « Quand je marche sans aide, j’ai tendance à tanguer de gauche à droite, comme un bateau », plaisante-t-il. Il a aussi des problèmes d’équilibre. Il ajoute : « J’ai subi un gros choc, mon bras droit était totalement cassé. On a dû me mettre des plaques de métal dans le bras. Je suis une sorte d’Iron Man avec mes plaques. » Il voit cet accident comme une expérience de vie, qui a fait de lui l’homme qu’il est aujourd’hui. Il garde une profonde reconnaissance pour le corps médical qui l’a « sauvé ». 

Après son accident, le jeune homme n’arrivait plus à parler et communiquait en montrant les lettres de l’alphabet sur une feuille afin de former des mots. Il doit réapprendre à parler via des séances régulières de logopédie et des exercices à faire à la maison. « Depuis que j’ai réappris à parler, on ne m’arrête plus ! », confie-t-il, lumineux. Il a tendance à répéter plusieurs fois les mêmes mots, mais il a conservé ses connaissances linguistiques. Il s’exprime toujours avec aisance dans plusieurs langues. Fabio explique : « Quand j’étais au REHAB Basel, certaines personnes du corps médical ne parlaient pas français. On communiquait en allemand et en anglais, je pense que cela m’a aidé à garder un bon niveau. »
 

Des amitiés chamboulées

La période après l’accident était compliquée. « J’ai beaucoup d’amis qui m’ont laissé tomber, car ils ne savaient pas comment se comporter avec moi. On avait un énorme décalage, surtout qu’on était très jeunes », se souvient Fabio. D’autres déménagent, ce qui rend le maintien du contact difficile. « Mais j’ai développé de nouvelles amitiés, notamment avec des personnes aussi touchées par une lésion cérébrale », sourit-il. Il lui arrive d’oublier un rendez-vous ou d’arriver avec un peu de retard, mais ses ami·e·s sont compréhensifs. Ses parents sont d’un grand soutien au quotidien et leur fils leur en est reconnaissant. « Après mon accident, ma famille et moi avons dû déménager. Il y avait trois marches pour rentrer dans l’immeuble, et c’était impossible de les gravir. Aujourd’hui, je pourrais le faire », raconte-t-il. Sa mère et son père aménagent le nouvel appartement en installant une barre d’appui vers les toilettes ainsi qu’une planche pour s’asseoir dans leur baignoire. « Cela serait très compliqué sans mes parents », reconnaît-il.

FRAGILE Vaud pour tisser des liens

Fabio apprend l’existence de FRAGILE Vaud lors d’une consultation avec une neuropsychologue. Il participe à quelques séances de Bibliothé et à de multiples groupes de parole. « Cela m’a fait beaucoup de bien de partager mon vécu et de voir des gens dans la même situation que moi », dit-il. Il apprécie tout particulièrement les soirées de Noël, où il se rend chaque année. « Mes parents m’ont même accompagné une fois, c’était génial », se rappelle-t-il.

Ces activités lui permettent de rencontrer d’autres personnes vivant aussi avec une lésion cérébrale. « C’est plus facile pour moi d’échanger avec d’autres personnes concernées, il n’y a pas ce décalage que j’avais dans mes anciennes amitiés », déclare Fabio. Il écrit régulièrement aux personnes avec lesquelles il s’entend bien et partage des moments conviviaux avec elles. Les activités proposées par FRAGILE Vaud lui ont permis de tisser des liens durables avec plusieurs personnes et de faire partie d’une communauté.

Texte : Megan Baiutti