«Je venais à peine de commencer mes études de droit et je croquais la vie à pleines dents», se souvient Rosella Giacomin. Un accident d’équitation ayant provoqué un traumatisme craniocérébral de gravité moyenne a mis fin à son existence insouciante. Désormais, rien n’était plus comme avant: à l’âge de 25 ans, elle a dû abandonner son projet d’étudier le droit et de fonder une famille. «Le plus dur, c’était de m’avouer que je n’étais plus la même qu’avant», explique la jeune femme, âgée aujourd’hui de 46 ans.
De retour dans la vie quotidienne, les personnes cérébrolésées luttent le plus souvent avec les conséquences invisibles de leur lésion cérébrale: problèmes de concentration, baisse de la performance, fatigabilité, modifications de la personnalité, sensibilité au bruit. «Bien des personnes cérébrolésées n’ont recours à aucune aide car elles pensent qu’elles s’en tireront seules ou qu’elles doivent y parvenir», remarque Silvia Spaar-Huber, responsable du département conseil chez FRAGILE Suisse. «Lorsque des jeunes sont touchés, ce sont plutôt les parents qui font appel au conseil.»
Plus de compréhension et d’ouverture
«Chez les jeunes, les conséquences d’une lésion cérébrale ne sont pas différentes de ce qu’elles sont chez les personnes plus âgées. Cependant, les jeunes doivent faire face à d’autres problèmes», déclare Anja Ronneburger, conseillère chez FRAGILE Suisse. Rares sont les jeunes qui disposent déjà d’un réseau professionnel, peut-être n’ont-ils même pas encore commencé à travailler. «Il n’est pas facile pour eux d’avouer devant leurs amis qu’ils ne sont plus comme avant et ne peuvent plus faire les mêmes choses», constate Anja Ronneburger. Après une lésion cérébrale, les jeunes récupèrent peut-être plus rapidement. Ils réintègrent leur milieu professionnel, leur cercle d’amis et remarquent alors que rien n’est plus comme avant. Ceux qui sont sportifs ne parviennent plus à suivre le rythme. D’autres ne supportent plus la foule des concerts ou des fêtes, le bruit et le volume de la musique. Souvent, les amis ne comprennent pas ces réactions, si bien que la personne cérébrolésée se replie sur elle-même et s’isole. «Je ne me suis pas repliée sur moi-même, mais certains de mes amis ne se sont plus manifestés», précise Rosella Giacomin. Elle tire un bilan: «Il faut essayer d’accepter que la vie a pris une autre direction. On s’aperçoit alors que cette nouvelle voie offre des possibilités infiniment nombreuses, auxquelles on n’avait même pas pensé avant.»
Un autre problème se pose aux jeunes cérébrolésés: «Très peu d’entre eux ont pu se constituer un petit pécule», explique Silvia Spaar-Huber. «A peine viennent-ils de quitter le cocon familial qu’ils ont à nouveau besoin de l’aide et du soutien de leurs parents.» La situation peut devenir difficile pour les deux parties.
Les deux conseillères de FRAGILE Suisse s’accordent à penser qu’une prise de conscience est nécessaire: la population doit savoir que les jeunes peuvent aussi être touchés par une lésion cérébrale. Rosella Giacomin est également de cet avis. «La société doit démontrer davantage de compréhension et d’ouverture à l’égard des personnes cérébrolésées.»
Texte: Carole Bolliger