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«La vie est parfois un jeu injuste»

En 2011, Marius S. est victime d’une grave hémorragie cérébrale. Il est alors étudiant et vient d’être père. Son couple ne résistera pas à l’épreuve.

En 2011, Marius S. est victime d’une grave hémorragie cérébrale. Il est alors étudiant et vient d’être père. Son couple ne résistera pas à l’épreuve.

Marius S.

Photo: Francesca Palazzi

«Ce qui me manque le plus, c’est de ne plus pouvoir tourbillonner d’une fête à l’autre et sortir toute la nuit. » Pour ce genre de distraction, Marius  S., 29 ans, est encore trop faible. Il y a deux ans, il a été victime d’une hémorragie cérébrale. «Mais j’ai pu récupérer bien des facultés que j’avais perdues et qui me semblaient banales auparavant », constate-t-il. Depuis 2013, il béné- ficie du soutien d’une collaboratrice de l’Accompagnement à domicile de FRAGILE Suisse. Grâce à son aide, il peut aujourd’hui s’occuper lui-même de son ménage et vit seul dans une maison ancienne pleine de charme, avec vue sur la vieille-ville de Bienne. De temps à autre, il reçoit un coup de main de ses amis ou de sa mère. Pourtant, il avait bien d’autres projets : en 2010, Marius S. fait la connaissance de Mirjam*. Ils étudient tous les deux à la Haute école technique de Rapperswil (SG) pour devenir architectes paysagistes ; il a 25 ans, elle en a 21. C’est le coup de foudre, un amour passionné. Quelques mois après leur rencontre, Mirjam est enceinte. Leur fille Melina vient au monde à la fin de l’année 2010. «Quand j’ai emménagé il y a un an avec ma famille dans ce logement, nous pensions y rester les dix prochaines années », se souvient Marius S. Le destin va bouleverser les projets de la jeune famille.

Une grave hémorragie cérébrale

Marius S. se remémore ce jour fatidique comme un mauvais rêve. Le 3 septembre 2011, il est victime d’une sévère hémorragie cérébrale. « Je me suis réveillé le samedi matin avec des maux de tête si violents que ça ne pouvait pas être une simple gueule de bois. » Mirjam entend qu’il laisse tomber un verre dans la cuisine et le trouve sans connaissance. De l’hôpital de Bienne, la Rega le transporte à l’Hôpital de l’Ile à Berne où il est immédiatement opéré. Il doit encore subir cinq autres interventions d’urgence : les chirurgiens découvrent dans son cerveau des malformations artério-veineuses, des connexions anormales entre les veines et les artères. L’une d’elles a provoqué la rupture d’anévrisme. Pour éviter qu’un tel accident se répète, les médecins doivent éliminer les autres malformations.

Demande en mariage à la clinique de réadaptation

Marius S. survit, mais reste deux mois dans le coma. Il doit ensuite suivre une réadaptation de plusieurs mois. Pendant toute cette période, sa compagne et sa fille lui donnent la force de lutter: «C’est pour elles que je me suis accroché à la vie, c’est pour elles que j’ai voulu lutter », constate Marius S. Ils fêtent le premier anniversaire de Melina à la cafétéria de la clinique. Ce jourlà, pour la première fois, il peut se mettre debout dans son fauteuil roulant. Mirjam lui apporte une aide essentielle: elle fait en sorte que, chaque jour, quelqu’un vienne lui rendre visite. Et alors qu’il est encore alité à la clinique, elle lui demande de l’épouser. «Dans l’état où j’étais, la plupart des femmes m’auraient quitté», reconnaît Marius  S. «Mais seul, je n’aurais jamais voulu continuer à vivre.»

Continuer à jouer son rôle de père

Quand Marius S. retrouve sa famille, Mirjam est visiblement dépassée par la situation. Elle se charge de plus en plus de l’assistance dont il a besoin. « Elle n’avait pas la force de faire face à une telle tâche », avoue Marius aujourd’hui. Et d’ajouter: « Je me demande si elle voulait m’épouser seulement pour que je reste en vie. » En été 2013, elle le quitte pour un autre. Profondément meurtri, Marius S. parvient malgré tout à reprendre le dessus. « La vie est parfois un jeu injuste, » constate-t-il, «mais je ne déclare pas forfait. » En disant cela, il songe surtout à sa fille, Melina, auprès de laquelle il veut continuer à jouer son rôle de père. Ce n’est pas toujours facile : «Quand j’étais dans le coma, elle était trop petite pour comprendre. Elle croyait que son papa était parti. » Pendant la réadaptation, elle l’a parfois même repoussé, voyant en lui un rival qui lui dérobait l’attention de sa mère. Aujourd’hui, Melina a trois ans, et les handicaps de son père font tout simplement partie de lui.

Davantage ouvert aux autres

«La vie nous réserve beaucoup de surprises», constate Marius S. «Parfois des mauvaises, mais le plus souvent des bonnes.» Sa maladie l’a changé. Il a dû apprendre l’art de la lenteur et ne fait plus que rarement la cuisine. Il est aussi devenu plus ouvert, beaucoup moins timide qu’avant et il a encore des amis fidèles. Il a même osé aborder une femme. «Je lui ai simplement demandé un rendez-vous. Avant, je n’aurai jamais osé.»

*Prénom fictif

Texte: Annette Ryser