Professeur Michel, quelles sont les principales causes de lésions cérébrales et quelles séquelles provoquent-elles?
Au niveau mondial, la première cause des lésions cérébrales est l’accident vasculaire cérébral (AVC). Il touche en général un côté du cerveau, avec des paralysies d’un côté, des troubles de la parole, de la vision et de l’équilibre, mais moins de la mémoire ou des émotions. Les traumatismes crâniens sont également une cause fréquente de lésion cérébrale. Ils touchent souvent la partie antérieure du cerveau ce qui engendre le plus souvent des troubles du comportement et des réactions émotionnelles instables. Parmi les autres causes, on trouve la sclérose en plaques (SEP), avec soit des troubles isolés de la vision, de la force et de la sensibilité, soit des problèmes progressifs de l’équilibre et de la marche. Un autre exemple sont les tumeurs cérébrales qui, comme les AVC, concernent souvent un côté du cerveau et sont parfois accompagnées de crises d’épilepsie.
Comme on peut voir, chaque cause de lésion cérébrale a des régions de prédilection dans le cerveau et engendre donc des séquelles différentes. De plus, alors que certaines lésions cérébrales relèvent d’un événement, d’autres sont récurrentes (SEP) ou progressent (tumeurs).
Concernant les AVC, quels sont ses facteurs de risque et peut-on les prévenir?
Lorsqu’on parle de facteurs de risque, on différencie les facteurs modifiables des facteurs non modifiables. Les facteurs de risques modifiables sont ceux que l’on peut traiter: l’hypertension, le cholestérol, le surpoids, le manque d’activité physique, le tabagisme, le diabète, ou encore la fibrillation de l’oreillette du cœur. Les facteurs non modifiables sont le sexe, l’âge ou la génétique. On sait aujourd’hui que les hommes sont plus sujets aux AVC que les femmes. De même, avec l’âge, les artères, le cœur et le sang commencent à accumuler des maladies telles que l’athérosclérose. Ces vaisseaux risquent alors de former des caillots ou de rompre et donc de faire un AVC.
Le stress est connu pour avoir de lourdes conséquences sur la santé. Est-il également une cause d’AVC?
Dans le cas des AVC, le stress a un effet direct et un effet indirect. L’effet indirect, c’est que le stress accentue les autres facteurs de risque. En effet, si on est stressé, on aura tendance à mal s’alimenter, à dormir trop peu, peut-être à fumer ou à boire un verre d’alcool de trop. On augmente ainsi son risque de faire un AVC. L’effet direct, c’est que le stress accélère le vieillissement prématuré des artères et du cœur et donc les risques d’AVC. Il est donc important de prendre du temps pour soi, d’aller dans la nature, de soigner de bons rapports sociaux, et si nécessaire de se faire soutenir par un psychologue ou psychiatre.
Le stress augmente probablement aussi le risque de faire des traumatismes crâniens: si on court pour prendre un bus et qu’on chute, par exemple. Pour d’autres lésions cérébrales telles que la SEP et les tumeurs, le rôle du stress est moins clair.
Pourquoi les personnes qui ont déjà eu un AVC ont-elles plus de risque d’en refaire un?
C’est le cas pour la plupart des maladies vasculaires. Lorsqu’il y a eu un premier AVC, c’est probablement qu’il y avait plusieurs facteurs de risque pour un AVC. Si une victime d’un AVC continue à vivre sans les traiter, le risque de refaire un AVC reste présent. Mais on peut tourner ça dans un autre sens: si on identifie les causes d’un AVC, on a souvent une chance unique dans sa vie de pouvoir renverser cette situation. On peut peut-être arrêter de fumer, perdre du poids, faire régulièrement une activité physique, ou encore traiter son cholestérol et donc réduire ses facteurs de risque. Évidemment, c’est plus facile à dire qu’à faire, mais avec beaucoup d’efforts et de bons médicaments, on peut limiter considérablement les risques.
Informations
Le Pr. Patrik Michel et son équipe collabore notamment avec Christine Jayet, collaboratrice du Conseil de FRAGILE Suisse, dans le cadre du programme ÉTaPe (Education Thérapeutique pour les Patients et l’entourage après un AVC). Ce projet d’éducation thérapeutique a pour but d’enseigner aux victimes d’AVC les clés pour mieux vivre après un AVC et de limiter les risques de subir plus de problèmes vasculaires.
Interview: Aurélie Vocanson