Nous rencontrons Celine au parc des Bastions, à Genève. La jeune trentenaire a un parcours hors du commun. Cérébrolésée suite à un traumatisme craniocérébral sévère lors d’un entraînement d’équitation en 2008, elle est arrivée à la 3e place aux Jeux paralympiques de Rio, en 2016. «J’ai toujours été confiante, car je sais que tout est possible», nous confie-t-elle. En 2018, elle se reconvertit à l’athlétisme. La pratique sportive est intense, mais lui permet de faire d’importants progrès malgré son handicap et ses difficultés de coordination et d’équilibre hérités de son accident. Pourtant, Celine chute sur la tête lors d’une course d’entraînement à Tunis dans le cadre d’une compétition. «Sûrement la spasticité, entre la pression et la fatigue. Quand on court à 25 km/h et qu’on chute, ça ne pardonne pas», explique-t-elle. «Les jours d’après, j’ai senti quelques signes d’alerte qui me disaient attention, tu as tapé la tête. Mon pied droit répondait moins bien», raconte la sportive d’élite. Elle participe malgré tout à la compétition trois jours plus tard et obtient un bon résultat. «Mais après, j’étais épuisée pendant quatre mois», se remémore-t-elle.
«Je pouvais continuer, mais à quel prix?»
Depuis 2008, Celine ne voit plus du côté gauche, son champ de vision droit est réduit et elle ne voit plus qu’en deux dimensions. Elle a aussi des difficultés de coordination et d’équilibre. Suite à sa dernière chute, Celine subit des maux de tête très importants et des vertiges quasi permanents similaires à un état de confusion avec la vision troublée. «[Cette année], le plus dur était au niveau des symptômes. Quatre mois d’arrêt. Je devais tout faire avec modération, encore bien plus qu’avant», se souvient-elle. Ces séquelles invisibles la forcent à se remettre en question une nouvelle fois: «J’étais en bonne voie pour les Jeux paralympiques de Tokyo et qualifiée pour les championnats d’Europe. Mais ma santé et mes difficultés liées à mon premier accident m’ont aidée dans ma décision d’arrêter l’athlétisme.»
Ses proches, une source d’inspiration
La mère et le frère de Celine représentent des piliers. Son frère faisait du BMX (sport extrême cycliste) et a arrêté après quatre commotions. Leurs échanges l’aident dans sa prise de décision. Sa mère est «la personne qui a été à côté de moi dans tous les moments», se rappelle-t-elle. Victime d’un grave coup de sabot de son cheval au visage en 2017, Celine la soutient et l’accompagne dans son parcours de rétablissement: «C’est la plus belle chose d’avoir pu être là à mon tour pour elle.»
Rebondir différemment
«Cette fois, ce n’est pas comme en 2008, je sais que tout est possible et j’ai gagné en sagesse», partage la jeune femme. Elle clôt une carrière de quinze ans de sport d’élite. «C’était le moment de prendre du temps pour moi et pour les personnes que j’aime, mes proches, ma famille», dit-elle le regard doux. Elle s’anime et sourit au souvenir de plaisirs culinaires retrouvés comme manger une fondue. Elle a récemment pu reprendre la course à pied pour son plaisir: «la clef est de le faire de manière progressive et de récupérer totalement avant la prochaine séance de sport afin de ne pas me griller et pouvoir continuer». Sa mission reste la même: défendre la cause des personnes en situation de handicap et faire évoluer les choses. Indépendante, elle poursuit plusieurs activités: son blog pour le journal Le Temps, des conférences, l’accompagnement de personnes, le soutien aux sportifs en situation de handicap via l’Association Tout est Possible, l’écriture et son récent engagement politique. Elle a souvent travaillé avec FRAGILE Suisse comme co-intervenante lors de formations et conférences.
FRAGILE Suisse: une source d’information essentielle
«Mon souhait serait que n’importe quelle personne cérébrolésée et ses proches puissent avoir FRAGILE comme source d’information quand ils en ont besoin», déclare la membre de FRAGILE Genève dont la mère ne connaissait pas notre association en 2008. La Helpline de FRAGILE Suisse lui paraît essentielle, car des professionnels répondent et aident à prévenir les difficultés lors du retour à la maison de la personne cérébrolésée: «[Ces professionnels] auraient pu prévenir [ma mère] qu’après des lésions cérébrales, il y a par exemple une période de dépression ou qu’on y est plus disposé.»
«Tout est possible»
«Soi-même, par les actions que l’on entreprend, on peut avoir un impact sur son destin. Vivez. Vivez intensément chaque moment, sans remords ni regrets. C’est une manière d’accepter ce qu’on vit, aussi quand c’est plus difficile. La plasticité cérébrale m’a montré que tout est possible. En sollicitant le cerveau, de nouvelles connexions peuvent se créer. C’est la preuve que, pendant toute sa vie, à tout âge, à tout moment, on peut toujours apprendre quelque chose», conclut Celine, le regard passionné.