Le 3 août 2007, Elisabete M. a 12 ans et est en vacances avec sa famille au Portugal. Elle rentre à la maison à vélo et ne voit pas qu’une voiture arrive. «Je ne me souviens pas des détails», dit-elle. Les pompiers arrivent 10 minutes après l’accident et les urgences médicales 30 minutes plus tard. «Elisabete a été secourue très rapidement, c’est ce qui l’a sauvée», explique Ana M., sa mère. Tombée dans un coma dont elle ressortira trois mois plus tard, Elisabete M. est amenée aux urgences de l’hôpital pédiatrique de la ville voisine et est tout de suite ventilée pour l’aider à respirer. A l’arrivée des parents à l’hôpital, un médecin leur assure: «C’est votre fille et on va s’occuper d’elle comme si c’était la nôtre.»
Les cheveux d’Elisabete M. sont rasés en raison de ses blessures au visage et à la tête. La partie gauche du haut de son corps est gravement touchée. Une de ses côtes lui a perforé le poumon et elle a des vertèbres fissurées. Ses jambes ont heureusement été épargnées. Son état se stabilise après trois semaines d’hôpital. Fin août 2007, la REGA la rapatrie en Suisse, au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Un matin, alors qu’Ana M. entre dans la chambre de sa fille, elle voit de nombreux médecins autour de son lit. Elle croit alors que sa fille est décédée et sort sans rien dire. «Je me souviens qu’on m’a retrouvée sur une chaise, dans le couloir. J’avais tellement peur...», explique-t-elle les larmes aux yeux. Au bout de quelques jours, Elisabete M. est transférée à l’Unité des Soins aigus de long séjour (USALS) du CHUV. Sa maman se rappelle les visites de ses copains de classe et le choc qu’ils avaient de la voir ainsi. Plusieurs se sont même évanouis.
Sa mère en soutien et leurs efforts récompensés
Ana M. travaillait comme auxiliaire de santé à domicile pour les personnes âgées. Suite à l’accident, elle arrête «Il faut continuer» de travailler durant six mois pour s’occuper d’Elisabete. Elle lui fait sa toilette pendant et après son coma. Elle aménage sa chambre pour éviter que sa fille ne se blesse la nuit. En effet, celle-ci vit une période très angoissante lors de sa phase de réveil. Au début, Ana M. donne à boire à sa fille à l’aide d’une seringue. Nourrie par sonde, Elisabete finit par manger un peu de yaourt que sa mère lui donne. Elle évite ainsi la pose d’une gastrostomie percutanée (PEG), sonde abouchée à l’abdomen au niveau de la région ombilicale ou de l’épigastre. «On me disait aussi qu’il y avait de fortes chances qu’elle soit tétraplégique, mais je voyais qu’elle bougeait les pieds et ce n’était pas des réflexes», se rappelle Ana M.
Elisabete doit tout réapprendre. Elle fait de la physiothérapie, de l’ergothérapie et de la logopédie. Elle reprend son cursus scolaire dans l’espace éducatif hospitalier. «C’est ce qui s’appelle une renaissance», sourit la jeune femme. Au vu de ses progrès, elle est autorisée à passer quelques week-ends puis Noël à la maison. Dès les fêtes de fin d’année, Elisabete reste dormir à la maison. La journée, elle suit ses thérapies de réadaptation au CHUV. Elle fréquente ensuite, jusqu’à l’âge de 17 ans, une école spécialisée qui offre un enseignement adapté intégrant les thérapies.
Une vie à réapprivoiser
Depuis son accident, Elisabete M. souffre d’une légère hémiplégie du côté gauche de son corps et d’ataxie du côté droit. Elle souffre de troubles de la mémoire et de l’équilibre et est sujette à une grande fatigabilité. Lorsque son environnement change, elle doit faire de gros efforts d’adaptation. «J’ai réappris à marcher après deux ans en fauteuil et déambulateur», se rappelle Elisabete M. Trois ans après l’accident, elle marche et prend les transports publics seule. Elle gagne en autonomie. C’est aussi à cette période que son père quitte le foyer familial. Elle traverse ainsi son adolescence avec la problématique des handicaps en plus. Elisabete M. a perdu ses copains d’école et a peu d’amis. «Je rencontre des personnes, mais elles ne vont pas m’appeler ou me proposer une activité», regrette Elisabete M. La jeune femme a beaucoup souffert de solitude vers ses 15-17 ans. «Ça va mieux maintenant, elle a grandi et a un copain», ajoute malicieusement sa maman. Aujourd’hui, Elisabete M. a 22 ans et travaille homme opératrice de saisie informatique en milieu protégé. Elle vit dans un foyer mais espère pouvoir vivre seule et de manière autonome dans le futur.
FRAGILE Vaud, une aide au partage
Après l’accident de sa fille, Ana M. entend parler de FRAGILE Vaud par une ergothérapeute de l’école spécialisée où se rendait sa fille. Un an après l’accident, elle décide de se rendre au groupe de parole pour les proches. «J’y ai rencontré des personnes qui m’ont comprise. Elles savaient ce qu’était un traumatisme crânien et vivaient la même chose», s’émeut Ana M. Elle a aussi appelé la Helpline de FRAGILE Suisse et bénéficié des conseils offerts par une collaboratrice de l’association. Elle avait besoin d’aide pour s’orienter dans le système des soins et organiser les différentes thérapies d’Elisabete. Enfin, les sorties et les activités de loisirs de FRAGILE Vaud lui ont redonné un cercle d’amis. Elisabete a également assisté à quelques groupes de parole pour les personnes cérébrolésées et participé à quelques activités proposées par l’association. «Elisabete est vivante et en bonne santé. Ce qui nous est arrivé est cruel, mais je suis fière de ma fille et de tout ce qu’elle a accompli jusqu’à maintenant», conclut Ana M. sous le regard bienveillant de sa fille.
Texte: Sophie Correvon, photos: Francesca Palazzi