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Du rêve à la réalité

A 16 ans, en pleine adolescence, Céline M. est victime d’un arrêt cardiaque, suivi d’un accident vasculaire cérébral. Depuis, plus rien n’est comme avant. Dix ans après et depuis quelques mois seulement, la jeune femme a enfin trouvé un cadre de vie qui lui convient.

A 16 ans, en pleine adolescence, Céline M. est victime d’un arrêt cardiaque, suivi d’un accident vasculaire cérébral. Depuis, plus rien n’est comme avant. Dix ans après et depuis…


C’était une journée d’hiver comme les autres. Céline M., 16 ans, l’avait passée à faire du snowboard avec une amie. A son retour, elle s’effondre sans connaissance sur le parking, victime de fibrillation ventriculaire, un grave trouble du rythme cardiaque. Pendant plusieurs minutes, son coeur cesse de battre. Les deux électrochocs pratiqués par les ambulanciers rétablissent les battements du coeur, mais un accident vasculaire cérébral se produit. Plus tard, on découvre que Céline M. présente une anomalie génétique qui peut être à l’origine de l’arrêt cardiaque.

Depuis ce tragique événement de l’hiver 2008, rien n’est plus comme avant pour cette jeune fille sportive qui fréquentait le lycée et voulait devenir professeur de sport. Pour sa famille aussi, la vie a changé du tout au tout. A l’hôpital d’Uster, ville du canton de Zurich, on place la jeune femme en coma artificiel, avant de la transférer à l’hôpital universitaire de Zurich. Neuf jours plus tard, les médecins veulent la sortir du coma, mais elle ne s’éveille pas. Sa mère, Nicolette v.d.S., se souvient: «A ce moment-là, nous avons su que la lésion cérébrale aurait des conséquences graves.» La famille et l’entourage sont sous le choc. «Nous ne savions pas si notre fille se réveillerait, ni dans quel état elle serait», se remémore la mère.

De petits progrès et beaucoup de déceptions

Céline M. reste trois longs mois dans le coma. Pendant cette période, elle lutte contre une double pneumonie et une fièvre très élevée. Lorsque, lentement, elle reprend conscience, elle ne peut pas parler, car on lui a posé une canule dans la trachée. De plus, elle souffre de violentes douleurs musculaires. Son entourage constate peu à peu qu’elle a définitivement perdu le souvenir de son passé, sa mémoire à long terme. En revanche, elle réapprend à parler et à lire. Après l’hôpital, elle séjourne plus d’un an en clinique de réadaptation. «Elle était assise dans son fauteuil roulant et ne comprenait plus le monde qui l’entourait. Elle ne saisissait pas ce qui lui était arrivé», raconte Nicolette v.d.S. Petit à petit et malgré des échecs répétés, Céline M. progresse. Cependant, il lui arrive encore aujourd’hui de s’en prendre au destin: «Je ne comprends pas pourquoi ça m’est arrivé à moi.» Son regard s’assombrit et la tristesse l’envahit. Pourtant, elle peut aussi être combative et enthousiaste, surtout en présence de ses frères et soeurs aînés et des amis de son âge. Comme les souvenirs lui font défaut, elle participe souvent à la conversation avec beaucoup de fantaisie et de créativité.

Une famille soudée

Ce coup du sort a renforcé les liens familiaux. La mère constate: «Nous étions déjà proches avant, mais ça nous a encore plus soudés les uns aux autres.» A sa sortie de la clinique de réadaptation, Céline M. rentre à la maison. Elle a alors besoin d’aide de façon permanente. Ce sont ses parents et les intervenants d’une institution sociale qui s’en chargent. «Céline a traversé une phase de désespoir et d’agressivité», se souvient Nicolette v.d.S. «Avant, c’était une adolescente qui aimait sortir; et du jour au lendemain, elle se retrouvait confinée à la maison et avait besoin d’aide pour tout.» Par chance, la jeune fille peut compter sur le soutien de son frère et sa soeur aînés et de leur compagne et compagnon. Ses amies aussi sont proches d’elle et certaines le sont restées jusqu’à aujourd’hui. La famille fait tout son possible pour que Céline M. soit intégrée socialement. Agée aujourd’hui de 26 ans, la jeune femme se souvient encore avec émotion d’un concert qui lui a fait vivre un grand moment: «Robbie Williams m’a dit ‘Hello Darling’», raconte-t-elle, le visage rayonnant. Malgré les efforts de chacun, la situation est difficile pour toute la famille. La mère avoue: «Nous étions à bout de forces, nous avons dû chercher une autre solution».

Trouver son équilibre

La famille visite différents homes et institutions. Mais aucun ne convient à Céline M.: elle ne s’y sent pas à l’aise. Elle vit cinq ans dans un home pour personnes handicapées relativement jeunes, mais ce home n’était pas adapté à la jeune femme. «La plupart des résidents étaient deux fois plus âgés qu’elle et n’avaient pas la force d’établir une relation avec une jeune femme cérébrolésée», constate la mère. Les recherches se poursuivent pendant plusieurs années jusqu’à ce que FRAGILE Suisse aiguille la famille vers la bonne solution. «FRAGILE Suisse nous a informés qu’une nouvelle structure pour personnes ayant un handicap moteur ou une lésion cérébrale venait d’ouvrir à Rapperswil-Jona.» Il s’agit de Casamea, un home issu de la coopération entre la ville de Rapperswil-Jona et le l’«Ostschweizer Verein zur Schaffung und zum Betrieb von Wohnmöglichkeiten für Körperbehinderte» (association de Suisse orientale pour la création et l’exploitation de structures accueillant des personnes ayant un handicap moteur).

Dès sa première visite à Casamea, Céline M. est conquise. Sa mère a aussi une bonne impression. «Heureusement, nous avons obtenu une place», se réjouit-elle. A Casamea, Céline M. est entre de bonnes mains. «Je sais pour la première fois depuis dix ans que ma fille est à un endroit qui répond de manière optimale à ses besoins. J’espère qu’elle y trouvera la paix et l’équilibre et pourra s’y épanouir», conclut sa mère. Ce home, recherché en vain pendant tant d’années, semble fait pour sa fille. Depuis le 1er décembre 2017, Céline M. vit à Rapperswil-Jona. «Ici, je me sens enfin bien», déclare la jeune femme de 26 ans en montrant avec fierté la grande et jolie chambre lumineuse qui l’accueille. Le rêve est finalement devenu réalité.

Texte: Carole Bolliger, photos: Ethan Oelman