Le temps est gris et pluvieux, lorsque nous rencontrons Rébecca. Premier coup d’oeil: elle est coquette. Bien habillée, elle porte un joli chapeau. Rapidement, le caractère de cette jeune femme de 30 ans vient contraster avec la météo: elle est solaire. Avec humour, elle nous raconte son parcours difficile.
Une vie bouleversée
En ce début d’été 2005, Rébecca rentre de son travail, à scooter. Dans un virage, une voiture lui fait soudain face et la percute. Le casque résiste au choc frontal, puis s’enlève sans que la lanière ne se détache. Sans casque, sa tête tape alors le sol à de multiples reprises. L’auto-mobiliste cherche en vain à appeler les secours mais il n’y pas de réseau. Alertée par les cris, une habitante du coin finit alors par contacter les urgences. Héliportée au CHUV, Rébecca voit son pronostic vital engagé: la tête est gravement touchée et elle souffre de multiples fractures.
«Le plus dur est l’attente», déclare Isabelle Muller, sa mère. En effet, elle doit attendre six heures à l’hôpital avant d’être informée de l’état de Rébecca. Durant ces premiers temps, le personnel des soins intensifs est toujours là pour soutenir la famille. «J’ai survécu les premiers jours pour Rébecca», murmure-t-elle, émue. Durant les huit premières semaines, la jeune femme est dans un coma profond et frôle la mort. «Je suis partie là-haut et c’était si beau. J’y ai revu ma grand-maman de coeur qui m’a dit de revenir: j’étais trop jeune», souffle Rébecca, le regard au loin. Rébecca passe ensuite dans un coma «vigile» durant plus de deux mois. «J’étais réveillée mais sans l’être», explique-t-elle. Au quotidien, sa famille et ses amis se relaient à son chevet. Isabelle travaille alors le matin, puis vient auprès de Rébecca l’après-midi, avant d’être relevée par son mari en fin de journée. Elle rentre ensuite à la maison mais s’arrête en chemin pour pleurer en forêt, vider le «trop-plein» et recharger ses batteries. «Je ne devais pas lâcher. C’est ma fille. Ma bataille», confie-t-elle.
Peu à peu, Rébecca refait surface avec une envie: reprendre son apprentissage d’assistante d’hôtel. Mais les séquelles de son traumatisme cranio-cérébral (TCC) sont lourdes: troubles de la mémoire, hémiplégie du côté droit, désorientation temporelle, troubles exécutifs et attentionnels, anosognosie partielle, héminégligence du côté droit ou encore perte de la parole. En sortant du CHUV, la vie de Rébecca n’est plus en danger mais tout est à reconstruire.
Une longue réadaptation
Après un séjour de 4 mois au CHUV, Rébecca est trans¬férée, à la demande de sa mère, à la Clinique romande de réadaptation (SUVA), à Sion. «C’était l’endroit le plus magique, le plus beau», se rappelle-t-elle les yeux pétillants. Rébecca y séjourne neuf mois. Elle y parle pour la première fois depuis l’accident: «Je vous aime», chuchote-t-elle à ses parents. Elle se lie d’amitié avec un jeune homme de 18 ans, victime d’un accident de moto. Cette amitié la stimule et la motive. Un jour, elle réussit à se relever et marche pour la première fois depuis l’accident. «Je suis arrivée [à la clinique] dans un lit et j’en suis sortie en marchant avec un tintébin*», lance fièrement Rébecca. Physiothérapie et ergothérapie font désormais partie de son quotidien; il faut notamment exercer ce bras droit qu’elle peut à peine bouger.
En juillet 2006, il est temps de quitter la SUVA. Or, trouver une institution adaptée aux besoins de Rébecca s’avère complexe: peu de structures sont conçues pour accueillir des traumatisés crâniens. Elle change donc d’institutions et de cantons à de nombreuses reprises mais ses parents s’organisent pour la faire rentrer régulièrement à la maison.
Une nouvelle stabilité
Quatre ans après son accident, Rébecca arrive finalement à la Cité radieuse d’Echichens. Son envie de renouer avec sa passion du service est toujours aussi forte. Elle se souvient de son apprentissage avec émotion: «J’adorais le contact avec les gens, c’était génial.» Elle tente sa chance et postule au restaurant «Grain de Sel» de l’insti¬tution GRAAP. Avec «cette main qui ne veut pas bosser» et sa tête dans laquelle «c’est la guerre nucléaire», comme elle dit, le service à table n’est pas envisageable. En revanche, elle n’a pas de difficulté à préparer les commandes derrière le bar ou comptoir. Cette activité lui permet également une certaine autonomie puisqu’elle fait les trajets au quotidien, seule. En parallèle, Rébecca poursuit ses séances d’ergothérapie. Elle y réalise des foulards en soie et de la pyrogravure. Energique et sociable, la jeune femme est toujours partante pour voir ses amis, sa famille ou pour faire des sorties.
FRAGILE Vaud en soutien
Rébecca se joint volontiers aux activités de FRAGILE Vaud, notamment aux sorties en bateau ou aux «monstres bastringues», comme elle aime appeler les soirées de Noël de l’association. De son côté, le groupe de parole pour les proches a beaucoup aidé sa maman: «J’ai réalisé que je n’étais pas la seule à vivre ça, les autres m’ont aidée à comprendre et le partage était important pour moi.»
Avec cet accident, Rébecca a vu la mort de près: «Il ne faut pas avoir peur, c’est beau là-haut», explique-t-elle, les yeux brillants. C’est pourtant la vie qu’elle a choisie. Aujourd’hui, Rébecca a envie d’avancer et de profiter: «Je n‘ai pas envie de m’apitoyer. Il faut vivre.»
Texte: Aurélie Vocanson, Sophie Correvon