Non loin de Genève, la cité du Lignon impressionne le visiteur qui y vient pour la première fois. Deux tours gigantesques de 26 et 30 étages règnent sur le quartier qui inspire des architectes du monde entier. Domicilié au Lignon depuis de nombreuses années, Damien C. nous fait découvrir les lieux avec enthousiasme, même s’il boite. Nous montons au dernier étage de la plus haute tour pour admirer la vue.
Quand la vie bascule
15 juillet 1995. Une date qui restera à jamais gravée dans la mémoire de Damien C. Lors d’un après-midi en rollers avec son frère et ses amis, l’adolescent s’amuse et prend des risques. Il quitte le trottoir et emprunte illégalement la voie de bus pour descendre une route. «Je n’ai pas vu le scooter arriver», raconte-t-il. Violemment percuté par le véhicule, il est éjecté 8 mètres plus loin. «Ma tête a tapé contre le trottoir et j’ai perdu connaissance.» Ce jour-là, il ne portait pas de casque. En moins de 10 minutes, l’ambulance arrive et le transfère immédiatement aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) où il passe trois semaines dans le coma.
A son réveil, plus rien n’était comme avant. Il confie en riant: «au début, je criais sans arrêt pour appeler l’infirmière. Je n’arrivais pas à comprendre qu’il fallait appuyer sur le bouton. Elle m’a montré plusieurs fois comment faire sauf qu’ensuite, j’appuyais tout le temps.» Suivent quatre mois de réadaptation à l’Hôpital Beau-Séjour. «J’ai dû tout réapprendre: me brosser les dents, me raser, manger avec des couverts.» D’abord en fauteuil roulant, il a également réappris à marcher. Comme à son habitude, Damien C. se concentre sur le positif: «malgré tout, je garde un bon souvenir de cette période. J’ai particulièrement apprécié mes échanges avec les physiothérapeutes et les ergothérapeutes.»
Handicaps visibles et invisibles
Damien C. vit seul. Dans son appartement, les murs arborent des pense-bêtes qui l’aident à s’organiser: «ne pas utiliser ce savon pour se laver les mains», «rendez-vous avec FRAGILE Suisse à 9h30». Avec le temps, il a appris à vivre avec les conséquences de son TCC. Certaines sont visibles comme son hémiplégie qui touche particulièrement sa jambe. «Avant, j’étais gêné par le regard des autres. Je marchais très mal et je me disais que les gens pensaient sans doute que j’avais trop bu. Aujourd’hui je boite encore, mais je me dis tant pis: il ne faut pas trop se prendre la tête.» D’autres conséquences sont invisibles. Il peine parfois à trouver ses mots et fait face à une grande fatigue. Il doit gérer son irritabilité: «quand je suis en désaccord avec quelqu’un, les contacts sont parfois difficiles. Mais je suis beaucoup plus patient aujourd’hui.» Damien C. souffre aussi de problèmes de mémoire. Pour y remédier, il fréquente l’atelier de FRAGILE Suisse «Entraîner son cerveau: mémoire et attention». «Cela me donne des outils pour ne pas oublier les choses du quotidien.»
D’ailleurs, il ne se souvient presque plus de sa vie avant l’accident. «Heureusement, je n’ai pas oublié ma formation d’électricien qui me passionne», précise-t-il avec engouement. Il ne peut plus exercer son métier et touche une rente entière de l’AI. Mais il donne volontiers des coups de main à sa famille et à ses copains pour installer une prise électrique ou réparer un interrupteur.
Croquer la vie à pleines dents
Malgré les conséquences de sa lésion cérébrale, Damien C. est très actif et bon vivant. Engagé dans plusieurs associations comme le WWF ou Terre des Hommes, il a le coeur sur la main et aime se sentir utile. En vacances, Damien C. se plaît à sillonner la France en voiture et en profite pour rendre visite à des amis. «Je suis d’ailleurs très fier d’avoir mon permis malgré mon accident.» Amoureux de la Ville Lumière, il collectionne les tours Eiffel miniatures en souvenir de ses voyages. Il passe aussi beaucoup de temps avec ses parents, dont il est très proche. Sa maman, Françoise, lui a fait connaître FRAGILE Genève. Membre du comité de l’association, elle s’occupe des activités et sorties. Depuis 2005, Damien C. va régulièrement au groupe de parole pour les personnes cérébrolésées. «Avant, je parlais beaucoup de ma lésion cérébrale aux gens, mais je me sentais souvent incompris. En participant au groupe de parole, ce n’est plus le cas.»
Il apprécie également le «Café FRAGILE», une activité qui invite les membres à partager un moment convivial autour d’un café. Balades en vélo, natation ou marches quotidiennes en forêt: le sport fait aussi partie de ses passions. Or, il attache une grande importance à la prévention depuis son accident: «que ce soit à vélo ou à roller, l’essentiel est de porter un casque».
Prévention: port du casque
Chaque année en Suisse, 5000 personnes sont victimes d’un traumatisme cranio-cérébral. Provoqués par une cause extérieure, les TCC se produisent le plus souvent lors d’accidents de la circulation, de chutes ou d’accidents de sport. Par mesure de sécurité, le port du casque est recommandé lors d’activités risquées pour le cerveau, comme le roller, la trottinette, le vélo ou le ski.
Texte: Johannie Fort