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« Quand les sens sont altérés, un entraînement régulier peut aider »

Membre du comité exécutif de l’European Board of Physical and Rehabilitation Medicine et membre durant plus de 20 ans du comité national de FRAGILE Suisse, le Dr Rolf Frischknecht nous parle de nos sens et de leur fonctionnement.

Membre du comité exécutif de l’European Board of Physical and Rehabilitation Medicine et membre durant plus de 20 ans du comité national de FRAGILE Suisse, le Dr Rolf Frischknecht…

Dr Rolf Frischknecht


Dr Frischknecht : les 5 sens de l’être humain ont été décrit au 4e siècle av. J.-C. par le savant et philosophe Aristote. Ils captent les sensations causées par des stimuli venant de l’extérieur du corps : la vision, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. Les séquelles impactent notre capacité d’agir et d’interagir comme une personne autonome dans et avec son environnement.

FRAGILE Suisse : comment les sens des personnes touchées peuvent-ils être affectés ?
Le cerveau analyse et interprète les informations sensorielles après les avoir accueillies. Il dispose ainsi, en temps réel, d’une synthèse de ce qui se passe autour de nous et peut y adapter nos gestes et comportements. Pour cette analyse et cette interprétation des informations sensorielles, le cerveau utilise une multitude de circuits neuronaux et de centres cérébraux. Presque l’entier du cerveau est impliqué afin de tirer le maximum des informations reçues.  

Si la maladie ou l’accident touche directement un organe sensoriel, ou sa connexion avec le cerveau, ou encore l’aire cérébrale qui récolte l’information sensorielle, le cerveau est privé de renseignements essentiels à son fonctionnement correct.
En revanche, si des aires cérébrales (circuits neuronaux) nécessaires au traitement des données sensorielles sont touchés, les informations sensorielles arrivent au cerveau normalement, mais ne peuvent pas être analysées correctement.  Les causes de ces séquelles sont souvent plus difficiles à cerner, mais leur impact sur le fonctionnement d’une personne est marqué, voire invalidant.     

 

Dans le cas de la vision ou de l’ouïe, quel type de causes peut expliquer les séquelles ?
Dans le cas de la vision, la lésion peut toucher directement les yeux ou les voies optiques qui les relient au cerveau. Une ischémie cérébrale peut léser les voies optiques. L’hypertension intracrânienne due à une hémorragie cérébrale ou un œdème cérébral peut induire une hémorragie rétinienne ou un saignement dans le corps vitré de l’œil, etc.  Une perte ou une diminution du champ visuel en résulte. La vision peut aussi être altérée indirectement si une lésion cérébrale touche les circuits d’analyse de l’information visuelle. Ainsi le cerveau ne peut interpréter correctement ce que les yeux voient.

Des situations analogues peuvent se présenter au niveau de l’audition. La reconnaissance et la localisation de bruits et de sons nécessite l’activation de réseaux corticaux spécialisés. Si ces réseaux sont altérés, une impression diffuse de « mal entendre » peut se produire, alors que l’audiogramme tonal est parfaitement normal. Le recours à des techniques d’imagerie cérébrale sophistiquées est nécessaire pour étudier ces réseaux spécialisés.
 

Les sens sont-ils touchés différemment suite à un traumatisme cranio-cérébral (TCC) ou à un accident vasculaire cérébral (AVC) ?
En cas de TCC, l’odorat est très souvent touché. Au moment du choc, le cerveau fait des mouvements de va-et-vient provoquant des cisaillements qui cassent les filets nerveux qui partent des lobes olfactifs pour traverser l’os (à la base du crâne) et rejoindre les cavités nasales. Et comme l’odorat participe à l’interprétation du goût, l’alimentation n’aura plus le même goût suite à une telle lésion.

Dans le cas d’autres types d’atteintes cérébrales, les problèmes se situent avant tout au niveau des centres de traitement de l’information olfactive. Lorsque les circuits de l’odorat du lobe frontal sont lésés, les personnes touchées peuvent développer des hallucinations olfactives complexes. Un méningiome avait par exemple été diagnostiqué chez une personne après l’alerte donnée par ses amis qui avaient observé des changements dans son caractère et les hallucinations olfactives dont elle était victime.
 

Comment « récupérer » ses sens lorsqu’on a été touché par une lésion cérébrale ?
Il est fréquent que des problèmes se révèlent après la phase aiguë vécue à l’hôpital, soit après le retour dans la vie quotidienne. Il faut essayer de comprendre les limitations ressenties par la personne victime d’une lésion cérébrale et en déterminer la ou les cause(s) sous-jacente(s). On peut alors développer un programme de rééducation ou de réadaptation sur mesure ciblé sur les déficits. L’éventail des approches est large et toutes les approches que la médecine de réhabilitation offre peuvent être considérées.
 

Quel est votre conseil pour les personnes vivant avec une lésion cérébrale et dont les sens sont affectés ?
Il faut entretenir et développer régulièrement les fonctions dont on a besoin pour participer à la vie aussi pleinement que possible.  Un·e professionnel·le aide à identifier la cause d’une dysfonction gênante et propose des exercices efficaces et adaptés. Les associations de patients comme FRAGILE Suisse et ses associations régionales sont également précieuses. Elles sont souvent dépositaires d’un savoir pratique des patients qui permet l’échange et le soutien entre pairs.